vendredi 5 décembre 2008

rêverie de voyage ,au fil des pages d' antonio Tabucchi


On peut arriver à Samarkand de plusieurs façons, disait le guide ,
et la plus rapide est l' avion , mais aussi bien sûr, la plus banale.
Vous pouvez par exemple partir de Paris, de Rome ou de Zurich et prendre un vol direct pour Moscou, mais il faut y passer la nuit car il n' existe pas de correspondance aérienne pour l' Ouzbékistan qui permette d' arriver le soir même.Et: celà nous convenait-il de passer une nuit à Moscou? nous en discutâmes longuement, un soir ,chez Luigi, ce délicieux restaurant dans les ruelles où l' on mangeait un bon poisson et où il y avait un très gentil garçon homosexuel qui s' occupait de nous avec gentillesse.
De mon côté, c' était une hypothèse que je ne voulais pas exclure.

Pourquoi pas, disais-je, tu te souviens?, imagine un peu: la Place Rouge de nuit vue depuis le grand hôtel que l' Aeroflot met à la disposition des touristes qui doivent passer la nuit à Moscou, c' est l' automne, il fait déjà froid, la Place Rouge sera vide comme dans la chanson de Gilbert Bécaud, je t' appellerai Nathalie, nous descendrons d' un de ces taxis qui en Union Soviétique sont paraît-il des limousines de chefs d' état, je l' ai lu quelque part, dans le restaurant de l' hôtel on nous offrira du caviar d' esturgeon de la Volga, peut être y aurat-il déjà un peu de brouillard autour des lampadaires, comme dans un roman de Pouchkine, et ce sera beau, j' en suis sûr,
nous pourrons aussi aller au Bolchoï où il est obligatoire d' aller quand on est à Moscou, et nous verrons peut être le lac des cygnes ....

Mais c'était un choix banal, nous y renonçâmes donc d' un commun accord.
Le voyage par voie terrestre était nettement préférable, avec le train, et c' est ce que nous décidâmes: l' Orient-Express et ensuite soit prendre le Transsibérien, soit passer par Téhéran.
L' Orient-Express, on le sait, exerce sa fascination même sur les intellectuels les plus snobs, au nombre desquels nous étions loin de nous compter tout en l' étant peut être, et c' est pour celà que nous nous dîmes: en train, en train.
Ah, le train!
............................................................................

Et puis les wagons-lits, le bruit de ferraille du voyage qui durant la nuit parvenait atténué par les vitres de la fenêtre, tandisque le train traversait les pays et les aimait sans les toucher, de la même façon que Chardonne disait à ses amis:" si vous aimez une femme, n'y touchez pas", oui, le wagon-lit, qui nous permettait de toucher un pays avec la pointe des doigts, comme ce poète qui désirait toucher le geste de la joueuse de harpe sans toucher sa main.

Je te récitais de mémoire des poèmes sur les trains, et dans les bistrots des environs de Montparnasse, je déclamais du Valéry Larbaud:" Prête moi, Ô Orient-Express ta vibrante voix de chanterelle; prête-moi la respiration légère et facile des locomotives hautes et minces, aux mouvements si aisés, les locomotives des rapides, précédant sans efforts quatre wagons jaunes à lettres d' or dans les solitudes montagnardes de la Serbie, et, plus loin, à travers la Bulgarie pleine de roses....."

suite , un peu + tard ......(extraits choisis de " il se fait tard, de + en + tard ", Antonio Tabucchi , chez 10/18 domaine étranger )

2 commentaires:

  1. Cette rêverie de voyage me remue. En moi le désir violent de prendre un sac, me débarrasser de mon foie encombrant qui commence à me gonfler (aux deux sens du terme)et d'aller retrouver Prométhée sur le mont Caucase. Enfin seule joie: Le Dalaï Lama a rencontré Sarko.
    Votre visite chez les marchands de soupe m'a bien fait rigolé. Moi, je grogne au téléphone. Ma seule réponse pour ce genre te téléphone.

    RépondreSupprimer
  2. nous , les voyages , en ce moment c'est exclu à cause de nos finances , mais je me demande , si au fond , çà me manque vraiment , je crois que je suis encore plus attirée et excitée par les images mentales suggérées par les mots qui racontent le voyage .
    j' aime tellement les histoires , que le comble du luxe est pour moi le voyage immobile procuré par l' embarquement dans une histoire bien ficelée , insolite , mystérieuse , dépaysante , romanesque , alors , finalement , le voyage : bien sûr , rien ne le remplace , il y a les odeurs , les paysages et surtout les gens , mais on peut vivre des aventures intenses par l' évasion immobile , l' imaginaire a le don de se déployer à l' infini..
    et cette liberté dans la création , tu l' as , je ne me fais pas de soucis!!
    celà dit , fi de ton fourbe foie !
    tiens bon! et continue tes ballades avec les mots!

    RépondreSupprimer

Une petite trace de votre passage...Merci pour vos visites !