On lui avait bien dit
De faire gaffe
Le sac est trop lourd,
Il aurait mieux valu prendre la malle poste du matin.
Mais il n'a voulu en faire qu'à son idée
comme d'habitude.
Résultat:
Se retrouver en rade dans un endroit isolé.
Avec ce fardeau .
La charrette , une roue cassée,
Basculée dans le fossé,
Le cheval enfui
Au triple galop
Sous la voûte sombre des arbres touffus
Et la nuit tombée
Sur leur équipage bancal:
Lui le rouspéteur aux petits pieds
Et l'autre ,
Ce grand donneur de leçons ,
La tête farcie de ses phrases bateaux
Qu'il déroulait comme un chapelet
Tandis qu’ils s'efforçaient à eux deux,
de tirer trainer
Ce fichu sac
Jusqu'au croisement de la route des collines
Avec celle de la forêt .
Le croisement est matérialisé par un poteau de bois
Peint en blanc
Terminé tout en haut par une boule.
Ils y appuient en soupirant
Leur chargement .
Sans doute , avec le soir ,
Passeront bien au moins les attelages des fermiers du Haut.
"Le Haut",
Ce sont les terres lourdes qui s'étendent
Sur le plateau
Tout près des ruines gallo-romaines.
Deux ou trois maisons disséminées au milieu des champs de maïs.
Il se souvenait encore de certains après- midi frileux
Passés avec sa grand-mère
Sous un ciel bas et glacé
A glaner les épis oubliés après la récolte .
Leurs pas attentifs entre les rangées coupées,
La sensation qui roule sous le pied ,
Le jaune orangé triomphant
Des grains brillants
Surgissant de l'épluchage ,
Le grand panier jeté dans la carriole.
La descente dans la vallée
Dans le parfum des feux de branches au bout des parcelles.
La fumée se mêlant au brouillard.
L'âne balançant ses oreilles douces.
Mais c'est un autre temps que celui-ci.
La nuit s'installe
Avec l'odeur des feuilles mouillées
Et l'autre ne lui a finalement jamais dit
Ce que contenait ce précieux sac ..
"C'est mon affaire!"
Lui avait il grommelé ,
Au moment du départ .