Pour faire suite à un billet de Christian Cazals , sur son blog ,
Miscellanées,
Voici des extraits , présentant un conte de Christian Bobin,
illustré par une artiste que j'admire énormémént
Le jour où Franklin mangea le soleil, personne ne s'aperçut de rien.
De toutes façons, personne ne s'aperçoit jamais de rien. Personne, c'est les grands, les tout raides , les adultes, les gendarmes , et même les voleurs, tous ceux qui travaillent et même ceux qui ne travaillent pas, ça fait du monde, personne , ça fait beaucoup de gens , personne . Donc, personne ne s'aperçut de rien, à part les enfants.
Franklin était un enfant.
Les enfants sont des gens qui ne ressemblent à personne.
On les met dans les écoles pour qu'ils deviennent comme tout le monde. L'école est une boîte qui ressemble à une maison.
On trempe l'enfant dans la boîte, on le laisse mijoter quatorze ou quinze ans dans la boîte, on le ressort, il a les yeux écarquillés d'être resté si longtemps dans le noir, on lui dit : bravo mon grand, te voilà comme tout le monde.
Ce n'est pas drôle d'être comme tout le monde .Personne n'aime ça.
Heureusement, ça ne marche pas. La boîte école, la boîte usine , la boîte travail, la boîte chômage , la boîte télévision, la boîte boîte :
Aucune boîte ne marche, aucune boîte n'est assez bien fermée pour empêcher la vie d'entrer, et quand la vie entre quelque part, ouh là là , plus rien n'est pareil, c'est le grand désordre, le grand carnaval des couleurs. C'est même comme ça qu'on distingue la vie de la mort : là où tout se ressemble, là où tout est en ordre - c'est la mort. et là où tout est bizarre , drôle, mélangé - c'est la vie.
Mais revenons à Franklin. Franklin mesurait un mètre trente six centimètres ,le jour où il mangea le soleil. Miam, gloup . Car malgré son mètre trente six , Franklin avait le bras long, très très long , un bras et même deux bras longs de plusieurs kilomètres . Le soleil ,il l'avait caressé pendant des années . Frôlé, chatouillé , taquiné . Il avait l'habitude de passer la main dans les cheveux du soleil , lorsque personne ne le voyait.
La plupart du temps, il mettait ses bras et ses mains dans ses poches.
Pour ne pas se faire remarquer. Personne n'aime se faire remarquer .
Et en même temps tout le monde voudrait qu'on le regarde . c'est compliqué cette affaire ; C'est compliqué , la vie, une fois qu'on est sorti des boîtes . Donc Franklin . Donc bras longs ? Donc soleil gloup , miam . Une envie , un besoin , une gourmandise : et hop, plus de soleil . Le soleil , dans le ventre à Franklin.
La suite de cette histoire est à lire dans l'album cité ci-dessus.
Du même auteur , illustrés également par Saraï Delfendahl
Aux éditions " Le temps qu'il fait "
"Clémence Grenouille"
"Une conférence d'Hélène Cassicadou"
et
"Gaël Premier , roi d'Abimmmmmme et de Mornelonge"
également délicieux , insolites et indispensables....
( je n'ai pas pu choisir entre les 4 , et les ai acquis en bloc!)
Oh génial, mais... quel suspense maintenant il faut attendre de trouver le livre !!!
RépondreSupprimertrès intéressant !
RépondreSupprimerJe me demandais si c'était pour les adultes ou pour les enfants...
finalement, je ne sais pas... !
AlainX : en fait c'est pour les deux.
RépondreSupprimerCes contes sont relativement "philosophiques" et peuvent être lus à plusieurs niveaux.
Très beau travail d'illustration à la hauteur de la qualité littéraire du texte.
RépondreSupprimerRoger