dimanche 21 juin 2009

Roman-photo : sous l' emprise du Mampoer...





Le Comte della Barbosa était attendu à l' aéroport de Johanesburg,
Par une délégation assez louche d' individus mal intentionnés.
Prévenu à sa descente de la passerelle par un jeune porteur,
Dont il avait utilisé( et généreusement dédommagé) les services lors de son dernier voyage,
Il réussit à se faufiler , grâce à lui , dans la zone de réception des bagages,
Et à sortir du bâtiment par un local technique réservé au personnel.
Le jeune homme lui avait rapidement glissé un papier froissé
Où était noté le nom de sa grand-mère, et son adresse à Groot Marico....
La nuit tombait doucement ,
A 21h30 la chaleur irradiait du sol même..

Dans une rue loin de la cohue des voyageurs et vacanciers avides de découvertes,
Réceptionnés par les grappes des guides des tours opérators,
Il avait trouvé un chauffeur au regard fatigué, appuyé contre sa vieille guimbarde:
Moyennant quelques billets, celui-ci avait accepté de le conduire à Groot-Marico:
" ah!ah! qui a goûté au Mampoer retourne toujours s'y abreuver!!
C' est liqueur de la vie!! l' eau de feu qui coule dans les veines du bushweld!!"
Gianfranco avait souri en s' engouffrant dans le véhicule surchauffé:
Ici , pas de climatisation !

Heureusement, si tout allait bien ,
Avant Minuit il pourrait profiter du luxe de sa suite ,
Retenue à l'Hôtel des Cascades ,
En bordure du complexe de Sun City,
Groot Marico n' étant qu' une pause "diplomatique"
( il avait promis à Sekwati de remettre un paquet à sa grand-mère) ,
Si tout allait bien......
La voiture tout terrain suivait maintenant la piste poussiéreuse,
Dans les phares ,surgissait les silhouettes de buissons épineux ,
Par la vitre ouverte entraient les senteurs de la nuit africaine...
Par chance ,son chauffeur était maintenant muet ,
Concentré sur sa conduite,
Les trajets nocturnes dans ce secteur n'étaient pas de tout repos:

Depuis la réimplentation de quantité d'animaux dans les environs de Madikwe,
Les rencontres imprévues n'étaient pas rares,
Bien que toutes les espèces les plus féroces soient normalement cantonnées
Dans l' enceinte de la réserve du Pilanesberg....
Mais des "évasions" étaient toujours possibles!
Perdu dans ses pensées , Gianfranco se laissait bercer par les cliquetis et bruits mécaniques divers,
Fermant les yeux , il revécu son étape à Paris
Les bords de Seine ,
Sa promenade rapide , transi de froid,
Avant un dîner expédié sur un coin de table ,
Coincé entre un couple trop bavard et deux vieux habitués:
La brasserie lui avait semblé tellement accueillante,
Avec ses banquettes rouges et ses vieux lustres désuets,
Mais il avait vite déchanté à la première bouchée
D' une blanquette gélatineuse , à peine tiède ,
Servie par un escogriffe mal-embouché ,
Qui avait levé un sourcil rageur
En emportant l' assiette à réchauffer...
La nuit avait été trop courte ,
L' avion pour Johannesburg exceptionnellement à l' heure!

Avant de décoller, il avait eu le temps d' envoyer un rapide message à Fausta Beresini.
Le souvenir de cette femme le hantait:
Il ignorait tout d' elle ,
Leur premier échange s'étant passé de mots ,
Emportés l' un et l' autre par une violente et irrationnelle attraction physique,
Peut être regrettait- elle déjà ce "faux pas",
Plongée dans l' affliction d'un deuil imprévu,
Elle semblait être retournée à ses obligations familiales et mondaines,
Son époux disparu lui laissant sans doute de lourdes responsabilités à assumer,
En tout cas, elle filait sur les flots d'azur de la Mediterrannée
Alors que lui-même était bringueballé dans la nuit mystérieuse...

Une pointe de jalousie incongrue lui fit serrer les machoires:
Cette femme était un volcan éteint depuis trop longtemps..
Sa réponse à son message serait un test:
Il avait juste donné le nom de l' hôtel à Sun City:
Si la même folie l' habitait,
Elle saurait le rejoindre....

Il sortit brusquement de sa somnolence:
Le véhicule s' était mis à hoqueter,
Le conducteur tourna la tête vers lui:
"Désolé Mister!, je crois que le voyage s'arrête là !
Parole de Ben! c' est pas faute d' avoir essayé !
On va p't'être arriver jusqu' à la ferme Mampuru,
Là où y'a la fabrique des nouvelles bouteilles , mais après ,
Moi et ma jument , on déclare forfait!
Faut que le moteur refroidisse !!
-Mais est ce que c' est loin de chez cette vieille femme ?
Je dois lui remettre un paquet de la part de son petit fils!!"
Gianfranco tendit le papier froissé :
"ah! dites donc!! z'avez d' la chance !
Cette vieille Paula, qu'est marquée sur vot' papier,
C' est elle qu' est cuisinière à la ferme Mampuru!!
Et fouette cocher!!!
Je vous promets que d' ici 1 h on est à la ferme!!
J' suis obligé d' y aller mollo..."

Le comte referma les yeux ,
Déjà minuit et demi ....
Le temps n' existait pas ici ...
Trop chaud , trop d' espaces sauvages ..
Avec un peu de chance , cette Paula aurait bien une paillasse,
Il pourrait au moins allonger ses jambes endolories :
Quel viel imbécile il faisait!
Il avait passé l' âge de ces fredaines d' aventurier de pacotille!
Mais c' était plus fort que sa raison:
Le vent des chimères était toujours gagnant....
Il étira ses bras en baillant et , s' en remit au hasard,
Qui , jusqu' à présent lui avait toujours été favorable....

Dans la lueur jaune des phares, une masse sombre entourée d' arbres
Venait d' apparaitre au loin.




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