jeudi 15 avril 2010

J'ai un problème avec John Fante


J'ai un super problème avec les livres de  John Fante :
En fait, depuis que Pierre a attrapé la Fante-mania aiguë, et ça fait un sacré moment maintenant , ces livres ont les uns après les autres déserté la bibliothèque familiale , des emprunts me direz-vous.. il faut encourager la lecture chez les jeunes etc.. mais le drame c'est qu'il a fait des émules, le bougre , et qu'il a lui-même prêté .. vous imaginez la suite .. les 10/18 ( j'adore cette collection..) coincés dans les sacs à dos , entre le skate et les pulls à tout faire sauf les sorties de messe..
ou encore mieux , glissés dans la poche du blouson , ça tient chaud au cœur , dans les glauques TER des matins frileux vers Avignon ou Embrun ..
Je bénis le jour où par hasard je lui ai tendu "Demande à la poussière" ..Moi-même , j'ai découvert par inadvertance ce romancier- scénariste  insomniaque et tenace , en lisant  le Djian des débuts (Ah!! "Bleu comme l'enfer" et "Échine") : à force de références dithyrambiques , on pousse la lectrice à la curiosité.. et elle vous est ensuite irrémédiablement infidèle : qui a lu Fante  rechigne ensuite à parcourir Djian .. ce qui fut mon cas.
Bon , revenons à ma mélopée désabusée : je n'ai plus que 3 livres de Fante , et certain absent n'est même plus édité ( "les rêves de Bunkerhill") Il est vrai que j'en ai deux du fils Dan, ("En crachant du haut des buildings"et "La tête hors de l'eau" ) mais ça ne remplace pas....
Heureusement , l'un des plus sarcastique , malgré sa couverture écornée et tachée, est rescapé de la razzia  , en voici un échantillon, propice j'espère, à vous allécher, si vous n'avez point encore bu aux orgies Fantesques:  MON CHIEN STUPIDE

   "Détends-toi,bon dieu" j'ai dit.
Le tas était à une quinzaine de mètres du garage en direction de la porte de derrière, sous le passage protégé de la pluie par un auvent qui dépassait du toit et faisait comme un porche. La main d'Harriet s'est refermée sur un pan de mon manteau. L'arme dirigée vers la bête, j'ai avancé vers sur la pointe des pieds, effrayé, en essayant d'accomoder sur la chose brouillée par la pluie.
Une image s'est peu à peu formée. C'était un mouton qui gisait là. Je ne distinguait pas sa tête, mais son dos et son ventre laineux étaient parfaitement visibles. Brusquement le vent a tourné, modifiant la direction de la pluie et métamorphosant l'animal. J'ai retenu mon souffle. Ce n'était pas un mouton,. ça avait même une crinière.
"C'est un lion" j'ai dit en reculant.
Mais Harriet avait une excellente vue.
"Certainement pas" Toute peur avait quitté sa voix. " C'est juste un chien" Elle s'est avancée d'un pas confiant.
Il s'agissait bel et bien d'un chien, un très gros chien au poil fourni, marron et noir, doté d'une tête massive et d'un court museau noir aplati, une tête mélancolique à la sombre gueule d'ours. Sans le lent va- et -vient de sa vaste poitrine, on l'aurait facilement cru mort, car ses yeux obliques étaient clos . Ses babines noires tréssaillaient imperceptiblement au rythme de son souffle. Il était manifestement inconscient; la pluie trempait sa fourrure. Tandis que j'essayais de lui parler, Harriet a filé dans la maison, puis est revenue avec un parapluie. Nous nous sommes abrités dessous, puis penchés vers la bête . Harriet a caressé son museau mouillé . " Pauvre chien. Je me demande pourquoi il est dans cet état."
De la main , j'ai lissé ses épaisses et solides oreilles noires.
"Voilà un chien bien malade" quand mes doigts ont rencontré une tique de la taille d'un haricot , si gorgée de sang qu'elle a roulé dans ma paume comme une bille. Je l'ai lancé dans l'herbe.
"Que fait-il ici ?"
" Ce chien est un clochard", j'ai répondu. "Un individu socialement irresponsable, un fuyard"
"Mais il est malade."
"Il n'est pas malade. Il est trop paresseux pour chercher un abri ." Du bout de ma chaussure , j'ai effleuré ses côtes. " Va-t'en d'ici, traine-savates." Mais il n'a ni bougé ni ouvert les yeux.
"Oh, mon Dieu!" s'est écriée Harriet en reculant, m'entrainant avec elle. "Ne le touche pas. Il a peut-être la rage!" ça m'a refroidi. pour rien au monde je ne voulais m'occuper d'un chien enragé. Nous sommes rentrés au pas de course et avons verouillé la porte . J'étais trempé, l'eau dégoulinait sur le sol de la cuisine.
Pendant que je retirais mes vêtements mouillés, Harriet est allée me chercher ma robe de chambre. Elle me l' a apportée avec un bourbon, puis nous nous sommes assis à la table por réfléchir au problème.
"On ne peut pas le laisser dehors" elle a dit. "Il va mourir "
"La mort est notre lot commun" j'ai répondu en terminant mon deuxième verre.
Elle a perdu patience.
" Fais quelque chose. Appelle quelqu'un. Trouve ce qu'on fait à un chien qui a la rage."
 L'horloge du four annonçait neuf heures et demi............




A force de lire Fante , mon fils est devenu musicien..

14 commentaires:

  1. Quoi de plus normal d'avoir des fuites dans ta bibliothèque s'il y a des Fante ? :~)

    Un auteur génial, je confirme !

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  2. Génial. Ensuite on passe à Brautigan, hmmm ?
    Moi je "couvre" les livres que je prête ( avec des pages de magazines, avec des pages de journaux )...même si je ne les revois plus, je me dis qu'au moins la couverture restera jolie et que des dizaines d'autres mains trouveront des pages intactes.
    C'est une maniaquerie génétique.
    Cela n'empêche pas les livres de vieillir, juste d'avoir moins froid dans les gares...

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  3. Lôlà: parle-moi un peu plus de Brautigan, je ne connais pas , je viens d'aller voir me renseigner sur la toile, mais je ne demande qu'à..

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  4. Tant-Bourrin:
    y' pas que des fuites , surtout des glissements , des déplacements inexplicables.. des réapparitions brusques ; une bibliothèque hantée peut-être..

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  5. Que faire? Rien. Laisse les livres entre ses mains et celles de ses amis. Ils feront leur chemin. Ils vont continuer leur vie.
    Quant au chien? Ce fut l'histoire d'un des deux chiens que nous avions.
    Celui plein de poils et semblable à un ourson, découvert par mon fils qui est maintenant dans les étoiles, n'est pas loin de St Mon.... Il repose dans un lieu que tu connais
    et l'actuel maître des lieux n'est pas au courant. Ce matin j'étais pas bien en me levant et la lecture de ton texte fut un vrai plaisir.
    Pour les livres qui manquent cherche dans les brocantes.Si j'en trouve un je te l'offrirais.Je préviens illico Jan Petrus. Au cours de ses pérégrinations dans le vaste monde?

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  6. Pour Tant-Bourrin: AhAhAh!!! llah!
    AhAhAh!!! Tchoum

    christian

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  7. Jamais lu....
    mais lire que jamais tu ne doneras cet exemplaire sous un fond jazzy.............................. je comprends pourquoi ton fils est devenu musicien...

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  8. John Fante,
    Connais pas mais vraiment sympa. Je le mets dans mon programme " lectures". Quant aux livres prêtés, ça fait longtemps que j'ai compris et je les considère comme " allant vivre ailleurs". Et puis tu sais, le temps du grand départ venu, on ne les emporte jamais. Autant les laisser vivre leur vie.
    Kenavo,
    Roger

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  9. Tout comme Roger, je me déleste de mes livres, de plus en plus : dons aux Mediathèques, entre autre. S'alléger en vieillissant est une de mes féroces utopies.
    Brautigan j'en ai lu il y a longtemps, longtemps, je ne saurais en parler là. rien d'impérissable peut être ? A relire, pour voir...mais dernièrement un recueil de poèmes avec une préface magnifique sur "l'homme" Brautigan.
    => Billet intitulé "Brautigan" sur etzou.wordpress.com

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  10. Roger et Lôlà:
    je suis assez d'accord avec vous , mais je suis un incorrigible "collectionneuse" , et de plus , l'odeur des vieux livres me fait craquer , aussi , parallèlement à ma fréquentation des médiathèques , je continue à en acheter , et souvent d'occasion , sur des brocantes.
    mais cela dit , je les offre volontiers à ceux qui passent!

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  11. Tout auteur qui donne le goût de la lecture mérite le respect. Celui qui sait nous guider dans la jungle des livres, nous initier, nous éduquer, nous ouvrir l'esprit mérite tout autant notre respect. Et si en plus, c'est un grand auteur, alors nous respectons toujours et nous admirons.
    Quand un ou une jeune m'emprunte un livre je suis heureux. Mes enfants font partie de ceux-là et depuis quelques années déjà, il m'arrive à mon tour de leur emprunter des livres. Un livre c'est fait pour être lu, non ? Mais relus ? C'est comme ça que j'ai dégraissé ma bibliothèque : ceux que je ne rouvrirai pas, à donner ! Il y en a tout de même encore un bon millier dans la catégorie : à donner, mais plus tard. J'en ai enfin une centaine NON PRETABLES ! Ceux-là, je les consulte souvent et je ne peux pas m'en éloigner trop longtemps.
    Ah, c'est dur, de les voir partir, les classiques russes, les Rougon-Macquart, la Comédie Humaine, les oeuvres de Victor Hugo, de Romain Rolland, bon j'arrête.
    Et vive John Fante et la littérature américaine de la première moitié du XXè siècle.

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  12. Olivier:
    Les Rougon -Macquart ... je relis régulièrement "Le ventre de Paris" , ,"L'assomoir" "Au bonheur des dames", et puis les autre aussi..
    J' ai , comme toi , des livres que je ne prête pas ,ou plus, ( les Fante en font partie) , je préfère les donner dans ce cas.
    j'ai entre aitre un bijou complètement kitsch et suranné , mais j'assume ! " le basalte bleu" de John Knittel , édition livre de poche , que j'ai retrouvé chez un bouquiniste ( coup au cœur!) , alors que la nostalgie de cette histoire , floue , me hantait depuis le lycée où une amie me l'avait prêtée , je ne me rappelais même plus de l'auteur..

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  13. Mais oui John Knittel, j'ai lu dans les années 60 tous ses romans édités en livre de poche. Vagues souvenirs d'un architecte construisant un barrage, j'adorais ça. De la même époque je garde le souvenir de nombreux auteurs un peu plus "consistants" découverts grâce à un couple d'intellectuels assez étonnant : elle, peintre férue d'occultisme et d'orientalisme m'a fait découvrir des mondes insoupçonnés, lui, poète, ancien prof. à langues O' matérialiste forcené m'a fait plonger dans la grande littérature du 18ème et du 19ème siècle et dans la poésie. Le théâtre les réunissait pourtant, c'est par ce biais d'ailleurs que j'ai eu l'immense chance de les rencontrer.
    Hou-là, stop!
    Souvenirs de bibliothèque, de libraire, les livres marquants, que de sujets pour des petits billets dodus à déguster sans retenue. Non ?

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