lundi 12 avril 2010

LE CHAMP



Il arrive parfois des coïncidences qui n'en sont pas vraiment,
On parle alors de Synchronicité...
J'étais en voiture ,il y a quelques jours ,après mes séances -musique,
En route vers "FICTIONS" mon expo de Pont st Esprit  , installée dans la belle librairie d'André Zaradsky "Le chant de La Terre".
Et , je ne sais pourquoi, mon esprit se met à vagabonder autour de lectures anciennes , et entre autre le livre d'André Dhôtel ( cliquer sur le titre de ce billet : "le champ" ,pour en savoir + sur cet écrivain) ," Le pays où l'on n'arrive jamais ".... 
Je me dis que de retour à la maison je rechercherai ce roman  pour en tirer un prochain billet pour ce blog..
arrivée à la librairie, j'oublie complètement cette préoccupation,  ayant rencontré sur place une connaissance avec laquelle nous nous mettons à parler livres , bien sur , mais pas du tout d'André Dhôtel ... Je demande au maître des lieux s'il a  dans sa boutique , l'ouvrage d'une libanaise: Hyam Yared , "Sous la tonnelle", dont j'ai entendu parler avec grand éloge . 
André  se met à arpenter ses rayons , assuré d'avoir ce livre , mais ne le trouvant pas se souvient alors de l'avoir très récemment vendu..
Je me promène dans son jardin de livres, laissant mon regard glisser nonchalamment sur les titres des couvertures bien ordonnées sur les étagères . Point d'Hyam Yared, j'attendrai la prochaine commande , mais là , glissé au dessus d'une pile , coincé horizontalement à la lettre D : André Dhôtel ," La chronique fabuleuse" !!!
J'ai un léger sursaut , et mes rêveries précédentes me reviennent avec force , et je ne peux m'empêcher de relater ce petit clin d'œil du hasard ( mais est-ce bien un hasard??) .Il se trouve que je ne connais pas cette "chronique fabuleuse " , et qu'aux dires de mes interlocuteurs , ce petit livre est exceptionnel.. et fabuleux..
Je repars donc avec cette  merveille , anticipant le plaisir de ma prochaine lecture , très intriguée par cet étrange concours de circonstances qui m'a conduite à cette (re) découverte d'un écrivain que peu de gens connaissent aujourd'hui, et dont l'univers poétique , bucolique rejoint une dimension fantastique des plus troublante .
Voici maintenant un extrait de l'une des courtes nouvelles de ce recueil que je ne saurais que trop vous recommander....

Le champ 
 
....... " Au temps où j'étais jeune fille, je partis un soir, loin du village, tourmentée par un chagrin d'amour.
Je rencontrai sur mon chemin un homme qui fauchait de l'herbe.Je le connaissais depuis longtemps . Je m'assis sur le talus auprès de lui .Il comprit ma tristesse, et, pour me distraire, il débita une histoire .Cette histoire parlait d'un certain champ qui avait la vertu de donner la paix du cœur à quiconque en foulait le sol : tout le temps qu'on y demeurait, certain noble sentiment calmait les souffrances sans les effacer.
Ce champ n'avait rien de particulier, sinon qu'il était envahi par les herbes sauvages et planté d'un genévrier et d'un cerisier. Il s'étendait en haut d'une colline..
Je quittai le vieillard , retournai à mon village , et la vie mena son train ordinaire . J'eus une maison et une famille. Parfois, quand un souci me pénétrait, je songeais au champ merveilleux . Je savais bien que ce n'était qu'une fable , mais mieux je le savais , plus je me sentais charmée.
Le malheur me poursuivit. Je perdis...
Quels malheurs me furent épargnés ? A travers mes prières je songeais à une parcelle de terrain tout à fait imaginaire et que j'aimais .Et sans cesse je répétais :  il y a un genévrier et un cerisier.
J'ai vécu des années avec la compagnie de cette simple image , et, à mesure que je vieillissais, j'y voyais des fleurs nouvelles.
Un jour , comme je faisais la lessive dans une ferme, aux environs de mon village natal, j'aperçus sur une colline un arbre seul qui se dessinait dans le ciel , et , à faible distance, la forme épaisse d'un genévrier.
Je me rendis en ce lieu le Dimanche suivant . C'était une terre assez grande , livrée aux herbes folles. 
S'agissait-il de mon champ? Je ne sais , mais je m'y sentis en paix . il se trouvait peu éloigné d'un hameau.
J'économisai et j'empruntai assez d'argent pour acheter la terre et la baraque en ruine qui était construite sur la bordure.
Or, je reconnus de jour en jour que ce champ était vraiment exceptionnel . Son orientation lui permettait de recevoir à toutes les heures une lumière d'une grande netteté. Le cerisier élevé donnait la mesure des grands jeux de fleurs qui rayonnaient alentour, et le genévrier tout gris apaisait l'éclat du champ.
Là couraient des perdrix , sautaient des corbeaux et parfois un lièvre regardait la plaine par dessus les graminées "............


Voilà comment je me suis replongée dans l'univers envoutant d'André Dhôtel , que j'avais complètement oublié depuis tant d'années ......
Le hasard nous offre parfois de délicieuses promenades...  
"chronique fabuleuse" a été édité pour la première fois à la NRF en 1976 , n° 285.,
Le volume en ma possession est une réédition de 2000,au Mercure de France , avec une très belle préface de
Jean-claude Pirotte. 
 

17 commentaires:

  1. Hum...ça donne envie..de rencontrer son champ à soi. Peuplé et merveilleux, loin des pertes et des tristesses.
    Et le lapin aussi, sur tout.

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  2. Le pays où l'on arrive jamais... parfois j'en suis très proche!
    Joyeux billet!

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  3. Joli souvenir de librairie, je suis convaincu que nous en avons tous un à raconter. Quant au pays où l'on n'arrive jamais, ce qui compte c'est d'y aller, oui d'y aller en disant : j'arrive !

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  4. oh ! ce livre de mon enfance auquel je repense souvent et dont je ne me rappelle que le titre... synchronicité, je me dis souvent en ce moment que j'aimerais relire aussi ces livres d'enfance qui m'ont enchantée...
    Printemps pétillant chez toi, Croukougnouche !

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  5. «Le pays où l'on arrive jamais» fait partie de mon jardin des lectures qu'on ne peut oublier —un coin où se mélangent un peu tous les livres qui ont compté pour moi, dans un retour apaisant. C'est peut-être comme le champ de ce si bel extrait… Je ne connaissais pas ce recueil, je le note. Merci!

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  6. merci à tous d'avoir traversé ce champ ...
    passez de beaux moments de lecture à l'ombre des arbres que vous aimez.

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  7. Chacun cherche son champ (ou son livre)...et finit par le trouver, s'il le garde suffisamment longtemps au fond de son coeur...
    Belle histoire que tu nous contes là, Croukougnouche.

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  8. Nous avons chacun au fond du coeur le
    souvenir d'un espace qui nous appartient depuis l'enfance.Cet espace, ce lieu secret de nos peines et de nos plaisirs nous le protégeons, l'entretenons le cultivons. Et cet espace est un refuge. Nous cultivons les quelques arpents de nos pensées. Les arroser de larmes, s'y promener, les faire siens, et les protéger. Merci à demain . Christian

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  9. Merci Agnes pour ce voyage en prairie.Courant mers et montagnes je sais trop bien que l'on ne parcours jamais que le meme paysage interieur, des mon retour je saute sur Andre Dhotel dont j'ai souvent entendu parler sans le lire. Je vous montreai quand meme des forets enchantes et des bois sculptes par la mer...Claude R

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  10. Joli billet d'humeur.
    Je suis comme toi, j'aime beaucoup Andre Dhôtel car son monde m'inspire beaucoup.

    Roger

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  11. Bonsoir Croukougnouche,
    A lire ce texte, les images et l'atmosphère d'un film me sont revenus : Tout ce que le ciel permet, de Douglas Sirk, avec des plans magnifiques sur la nature paisible comme ce champ.

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  12. je ne connais pas ce film de Douglas Sirk , je vais aller fouiner un peu sur Youtube.. mais j'ai vu d'autres de ses films , "le secret magnifique "et "écrit sur le vent" , mais c'était il y a très longtemps et je ne les ai plus bien en mémoire.. sauf que j'avais beaucoup aimé.

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  13. Il y a peu plusieurs années, une bloggeuse écrivit dans un commentaire consécutif à une note que j'avais écrite à propos, justement, de ces synchronicités dont vous parlez le mot "saintes chronicités".
    Le jeu de mot est habile (et drôle) mais surtout exprime parfaitement ce que nous pouvons ressentir parfois à ces occasions. Depuis je n'utilise plus que ce mot-là "sainte chronicité".
    C'est plus poétique de relire Jung !

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  14. erratum ! il faut lire "c'est plus poétique QUE de relire Jung" !

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  15. effectivement , tout à fait d'accord , cher homme au bois dormant , merci de ton passage!!
    Olivier et Epamin :
    on a tous un pays imaginaire , et heureusement on n'y arrive jamais , ainsi on peut mieux le rêver!

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  16. Mabes:
    je suis étonnée de lire à quel point ce livre oublié fait écho chez nombre de personnes..
    je pense à ton Vendredi , je serai au rendez-vous cette fois!

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  17. Ce texte est une merveille, depuis que je suis petite je vais dans les champs pour (re)trouver la sérénité... il y a quelques mois, une amie qui se débarrassait de quelques livres m'a demandé si je souhaitais en récupérer et j'ai choisis ... "Le pays où l'on arrive jamais", je n'ai pas eu encore le temps de le lire mais ton billet me confirme que j'ai fait le bon choix !

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