mardi 29 décembre 2009

Fondu au Noir ,suite et fin .


Il eut du mal a retrouver l'endroit où il avait garé sa fourgonnette vert-vif " Les Jardins de Cendry"  , c'était dans la dernière travée, tout près de l'entrée du complexe culturel. Il s'assit au bord du coffre , et en bougonnant ,réussit à dégager ses pieds de ces maudites chaussures de roi de la piste..


Dans la caisse où il gardait toujours ses vêtements de travail il attrapa les godillots de trappeur avec les grosses chaussettes qui allaient avec :
bon , bien sur ce n'était pas du meilleur effet
avec le costume -cravate,mais personne n'était là pour constater la faute de goût , surtout pas Françoise ,qui devait commencer à se demander où il était passé....
Mais ,vu qu'il l'avait laissée en grande discussion "rendements et prospectives" avec le directeur de "l'Hyper-Globus"qui avait tendance à lui roucouler dans le décolleté,( grand bien lui fasse!!),il avait une bonne marge pour souffler un peu...

Mais tout alla très vite dans sa tête : tout ce tralala , ce n'était pas pour lui.
Elle avait jeté son dévolu sur sa personne au salon des "Mains vertes" où il présentait son espace- jardins et paysages- , il n'avait pas eu le temps de respirer qu'elle lui avait déjà fourré sa langue dans l'oreille et que l'affaire était bouclée.
C'était le moment où jamais de prendre la poudre d'escampette...


Il se faufila en tapinois entre les rangées de véhicules et posa bien au milieu du terre-plain herbeux les noires sentinelles , comme deux corbeaux fâchés, et ne put retenir un ricanement  triomphant.


La camionnette ,bien chauffée , longeait maintenant les rues désertes ,jusqu'aux abords du centre-ville.
C'est juste en face du Grand Café Meylland ,au bord du trottoir qu'il la vit soudain , piquée à côté d'une petite fiat Uno . Malgré le bonnet de lutin gris-souris et l'écharpe enroulée jusqu'aux yeux, il reconnut les jambes minces dans les collants bleu-vif :la petite-gentille du magasin de chaussures , toute perdue dans nuit! " Et bien! qu'est ce qu'il vous arrive ? " dit il en passant la tête à la portière.
-La batterie,je suppose ! et là haut on m'attendait pour souper! çà fait une heure que j'ai appelé le dépanneur de l'assurance ,mais un 31 , faut pas espérer des miracles! Mais je vous reconnais! : les bottines Cerutti ,pas vrai?


- Tout juste ,belle Demoiselle ! mais j'ai laissé mes souliers au bal , montez donc dans mon carrosse, pas de risque qu'il se transforme en citrouille!
Par contre ,moi, je suis redevenu rat des champs ,pour vous servir!
  Admirez un peu mes pattes !" 
Il avait d'un bond sauté sur la chaussée et esquissé un pas de gigue  en frappant le sol avec ses grosses chaussures.


Maintenant ,la camionnette grimpe vers la montagne , c'est trop tard pour la fête,
Mais les arbres défilent en ombres chinoises , il y a même de la neige sur les talus.
La petite est d'un village perché derrière la crête .
Elle a retrouvé son sourire timide ,et ils discutent à voix basse pour ne pas bousculer l'étrangeté de cette ballade dans la nuit .
Avant de prendre le chemin vers la ferme ,il arrête la voiture et tourne la tête vers elle :  doucement ,il caresse les cheveux fins pour glisser la mèche ,juste  comme ça , derrière son oreille..

A sa montre , il est minuit , il est demain .


En bas ,dans la vallée , Deux chaussures oubliées dans le noir.


FIN



5 commentaires:

  1. C'est pas une histoire de bonnet à la Croukougnouche mais tu t'y entends aussi en matière de chaussures...

    J'aime énormément la dernière phrase et cette adaptation rustique et "mâle" de Cendrillon...
    Bonne nuit !

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  2. Mon intuition était mauvaise : elle finit très bien, cette histoire ! Et vu que les bottines Cerutti ne sont pas à sa taille, aucun risque qu'on le retrouve en les faisant essayer à tous les hommes du royaume ! :~)

    Encore une fois, tu as vraiment un très joli talent de conteuse !

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  3. On trouve toujours des chaussures à son pied. Bien sûr, il faut passer du temps à essayer...tout est affaire de pointure aux entournures.

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  4. il y a beaucoup de brouillard ce matin , mais vos messages sont un vrai rayon de soleil!
    je vais de ce pas mettre mes pantoufles pour descendre déjeuner!

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