vendredi 12 mars 2010

CINEMA-POISSONNERIE / 3



L' EDEN-CINEMA, je l'ai toujours connu . Nous habitions sur la place, au dessus de la pharmacie, aux premières loges pour tout : le marché du Vendredi, les fêtes foraines  avec le Chahut ,
les autos- tamponneuses et les avions à réaction, le " coupé de cou de l'oie" du 14 Juillet, les fanfares, les cirques et la kermesse , sans oublier les après-midi Dancing à " La belle chopine" , le café du "Ganster" , figure locale un peu louche, mais ayant les faveurs du maire.
  Toute la jeunesse des environs venait s'agiter le dimanche après-midi sous la boule à facette, musique en "vrai" , avec orchestre de bal jouant du yéyé pur jus.
  Beuveries aidant, en fin de journée, des bagarres éclataient régulièrement sur la place qui servait de parking, et quand la sonnette de garde retentissait, Papa devait aller panser et désinfecter les plaies des protagonistes hirsutes . Pour les cas plus sérieux, la gendarmerie locale était ameutée par les habitants des immeubles voisins.

Moi, c'est Charlotte, je suis l'ainée , j'ai une sœur , et plus tard arriveront deux frères, mais pour le moment , ils sont encore dans les choux .
Ce n'est pas vraiment drôle d'être la première, on attend de vous que vous donniez l'exemple .
Mon rêve, c'est d'être un garçon, mes lectures favorites sont les histoires policières, de cape et d'épée, le mystère, les aventures quoi!  Et dans ces histoires là, il n'y a pas beaucoup de filles .
Au cinéma, pareil: j'adore Pardaillan, Les flibustiers du Bounty, Les contrebandiers de Moonfleet, les disparus de St Agill...
L'EDEN-CINEMA, avec ma soeur Céline, nous en avons franchi les portes très tôt, grâce à la séance spéciale-Noël organisée par la mairie pour les enfants des écoles .
Avant le goûter pris en grande pompe dans la salle de la" Belle chopine" , nous avions droit au cinéma, un film bien choisi : un vieux Walt-Disney un peu défraichi ou un florilège de dessins animés de la Warner .
En tout cas c'était épatant!!
Ensuite , le plaisir de pénétrer dans la salle interdite du "Ganster" :  il mettait en route spécialement pour nous  la fameuse boule à facettes et nous sirotions notre chocolat chaud avec délectation.

Mais ma grand-mère, femme énergique au franc-parler veillait au grain . Mes parents , débordés par leur travail, lui avaient pour ainsi dire donné carte blanche, et , ma foi, elle ne badinait pas avec les convenances.
Elle avait décrété une fois pour toutes que l'EDEN-CINEMA, surtout le Samedi soir, c'était "un pince-fesse", 
aussi avait-elle décidé de nous servir de chaperon .
Petit retour en arrière nécessaire:

J'ai 8 ans, et ma soeur 2 de moins . Nous allons voir " Prince Vaillant" à la séance de 3 heures, mais nous sommes encore le matin. Je m'arrête un petit moment devant les affiches , sur le trajet de la boucherie-charcuterie Margry où je suis missionnée pour aller acheter un kg 500 de sauté de veau.
La patronne fait patienter les enfants de clientes en leur distribuant des tranches de saucisson à l'ail , j'y ai droit aussi , et j'extirpe le cercle de plastique avant de mastiquer avec entrain .
Le repas expédié, nous voyons arriver ma grand-mère , de la rue de l'image où elle loue une petite maison sombre mais amusante. C'est sur le trajet de l'école que nous empruntons chaque matin. Cette rue commence au coin de "La Belle Chopine", monte drôlement et se prolonge par " la sente" ,raidillon de terre qui longe un grand mur et des jardins potagers jusqu'à la rue haute où se trouve l'école de filles.
Céline et moi sommes déjà prêtes, socquettes bien tirées et très impatientes.
Ma grand -mère, en veste croisée , arbore une coquette écharpe à pois blancs sur fond bleu.
Ouf! ça y est , nous partons enfin!

 
Posted by Picasa

9 commentaires:

  1. Tes souvenirs ont la couleur des miens. Elevé en banlieue, à l'époque où elle était populaire mais pas racaille.
    Ca n'était plus la campagne, mais pas encore la ville, une valse hésitation entre urbanisme et ruralité...
    Le temps béni des mares aux grenouilles, et des terrains vagues.

    RépondreSupprimer
  2. Merci beaucoup Andiamo!!
    j'ai transposé , inventé et détourné pas mal de trucs, mais tu as raison , la base de cette histoire vient de mes souvenirs d'enfance , au nord de Paris . je vais aller lire ton billet, dont tu m'as mis le lien.

    RépondreSupprimer
  3. Les souvenirs, souvent, c'est comme un bain moussant: ça fait des jolies bulles mais parfois on s'y noie!

    RépondreSupprimer
  4. Elle me plait cette mémé j'ai hâte d'aller au ciné même si il faut serrer les fesses-de-mémé !

    RépondreSupprimer
  5. pile poil, lôlà! on l'appelait Mémé , ma grand-mère!!

    RépondreSupprimer
  6. Chouette tranche de souvenirs en noir et blanc. Dans mon école, régulièrement, c'est-à-dire,une fois par mois, le directeur qui devait être amateur de cinéma, nous projetait lui-même un Laurel et Hardy ou un Charlot de derrière les fagots.
    Une question : qu'est-ce que le "coupé de cou de l'oie du 14 Juillet"?

    RépondreSupprimer
  7. eden cinema ...
    une autre version de duras

    -O)

    RépondreSupprimer
  8. Olivier:
    Le 14 juillet , la mairie organisait plusieurs animations sur la place( en + du feu d'artifice le soir , tiré par les pompiers sur le terrain de foot ) : un mas de cocagne bien savonneux , et le clou , l'oie à gagner , on en frémissait d'horreur mais on n'aurait manqué ça pour rien au monde . entre deux poteaux était tendue une corde , assez haut , à laquelle était suspendue par la tête une oie plumée , pour la gagner , les concurrents devaient , les yeux bandés, et munis d'un authentique sabre rouillé essayer de couper le cou ( ils avaient je crois trois essais) , c'était bien sur le dernier qui réussissait.
    Ils appréciaient la distance au jugé et la foule massée criaient des encouragements .. très folklorique..

    RépondreSupprimer

Une petite trace de votre passage...Merci pour vos visites !